Le phygital : vers la fin d’un fantasme ?

À la mode depuis quelques années, le phygital devrait laisser place à une utilisation plus raisonnée chez des distributeurs qui ont Amazon en ligne de mire.

Le mot « Phygital » a été inventé en 2013 par l’agence australienne Momentum. Contraction des termes « Physique » et « Digital », il désigne un point de vente physique utilisant des technologies numériques pour optimiser ses résultats, améliorer sa relation client ou gérer ses activités. Le phygital, qui englobe un large éventail de méthodes, s’est imposé en tant que concept à la mode. Pourtant, il est encore loin d’être une généralité chez les distributeurs traditionnels.

Comme nombre de nouvelles technologies, la phygitalisation est complexe à mettre en place. Elle nécessite des investissements importants et la plupart des distributeurs préfèrent à présent se concentrer sur des technologies qui leur apportent un retour sur investissement. C’est notamment le cas de l’analyse des datas clients qui permet aux enseignes d’optimiser les taux de transformations de leurs points de vente ; des offres adaptées sont proposées aux consommateurs qui sont donc plus à mêmes d’acheter.

Des stratégies phygitales plus raisonnées

Par le passé, nombre d’enseignes physiques se sont lancées dans la phygitalisation de leurs magasins sans avoir défini un contour préalable et donc ont parfois développé des applications superflues. Pour Jean-Guillaume Roger, chef de marché retail chez Econocom : « il va y avoir un retour en arrière pour ceux qui ont voulus se doter d’outils digitaux, simplement pour coller à une tendance et qui n’avaient pas assez réfléchi aux usages en amont ».

Decathlon a opté pour une stratégie raisonné en misant sur la proximité pour son magasin de la rue du Commerce à Paris . Dans un espace de vente de seulement 500 m² la boutique présente un assortiment réduit et adapté à sa zone de chalandise alors que le phygital leur permettrait de proposer une gamme plus large que ce qu’il y a en rayons. Le distributeur d’articles sportifs n’utilise ainsi le digital que pour améliorer son interface avec ses vendeurs.

Conserver les outils d’optimisation opérationnelle

phygital actu digitalNéanmoins, Decathlon reste fortement digitalisé car il semble déraisonnable de se priver des avantages opérationnels qu’apporte la phygitalisation. Comme chez tous les distributeurs, les vendeurs doivent faire face à des clients très informés. Le simple fait d’être équipé de tablettes connectées les aide à connaître rapidement les caractéristiques techniques des articles. De plus, un accès plus rapide à l’état des stocks leur permet d’indiquer la disponibilité des produits ou sinon les dates de réassort.

L’optimisation des stocks est ainsi le parti pris par Evioo avec ses kiosques « Les lunettes selon Evioo » implantés chez les opticiens ou dans les grandes surfaces. Le client y sélectionne ses modèles préférés sur un miroir d’essayage virtuel à réalité augmentée. Un outil de reconnaissance morphologique permet au lunettier de proposer une sélection de montures adaptées au style du client. Les lunettes commandées peuvent être livrées dès le lendemain au domicile du client.

Concurrencer Amazon sur son terrain

Evioo vient du e-commerce et Decathlon est un distributeur physique au réseau étendu. Alors que le premier pourra construire son magasin physique autour de sa plateforme, le second devra adapter une organisation plus lourde. Toutefois cela n’empêche pas les des distributeurs de se déployer en dehors de leurs canaux de distribution historiques. Intermarché, par exemple, renforce ses services de commande en ligne, son drive et développe une marketplace non alimentaire.

Par cette stratégie, c’est bien le business model d’Amazon qui est dans le viseur. Le géant américain, qui bouscule les distributeurs traditionnels, n’a d’ailleurs pas hésité à les attaquer sur leur terrain avec Amazon Go en apportant une pointe d’innovation. Le premier magasin physique de la marque, en cours de développement à Seattle, intègre des technologies révolutionnaires, des interfaces avec les smartphones ainsi que des processus de deep learning pour détecter précisément qui achète quoi.

Photos : media.licdn.com et lsa-conso.fr