L’affaire Blue Story : violence aux salles et aux halls

Violence, panique et des accusations de racisme ont marqué cette semaine les salles de cinéma britanniques. Samedi soir, les cinéphiles ont été pris par surprise lors d’une violente bagarre dans le hall du cinéma Star City de Birmingham.

Violence, panique et des accusations de racisme ont marqué cette semaine les salles de cinéma britanniques. Samedi soir, les cinéphiles ont été pris par surprise lors d’une violente bagarre dans le hall du cinéma Star City de Birmingham.

Le multiplexe présentait « Blue Story », l’histoire de deux adolescents du sud de Londres qui sont pris contre leur gré dans une guerre de gangs. Au même temps que de nombreux enfants se préparaient pour regarder « La Reine des neiges 2 » (connue aux pays anglophones comme « Frozen 2 »), des groupes de jeunes, certains armés de machettes, ont provoqué la panique dans le complexe multisalle pendant 90 minutes d’attaques. Le centre a dû être expulsé. Six arrestations se réalisèrent, dont celle d’une fille de 13 ans, pendant que sept officiers ont fini avec des blessures.

Tout de suite, le groupe Vue, compagnie mère de Star City, a décidé de retirer le long-métrage des 91 établissements qu’il détient au Royaume-Uni et en Irlande. Peu après, Channel Showcase Cinemas adoptait la même politique, bien qu’il ait continué à vendre des billets pendant que des nouvelles mesures de sécurité étaient introduites.

« En raison d’incidents récents liés à la diffusion du film  ‘Blue Story‘, (…) Showcase Cinemas va le retirer immédiatement de tous nos cinémas », déclarait un porte-parole du groupe. « Nous sommes en négociations avec le distributeur sur la possibilité de réintroduire le film en temps voulu « , rajoutait-il. Lundi 25, les salles de Showcase Cinemas avaient repris le film.

Cineworld et Odeon, les deux autres grandes chaînes britanniques, ont aussi continué ses projections.

 

Un retrait contesté

Le retrait du long-métrage ne fut pas exempt de controverse. Des groupes antiracistes ont accusé Vue de « supprimer l’art noir », étant donné que tantôt les scénarios et les groupes sociaux représentés dans le film, ainsi que les acteurs et le réalisateur font partie de la communauté afro-britannique. Sur les réseaux sociaux, une campagne de boycott des salles appartenant à Vue s’est rapidement initiée. De son côté, le réalisateur Andrew Onwubolu ajoutait aux contestations en se demandant si la décision de Vue n’était pas plutôt « une question de ‘couleur’ », et qu’il paraissait y avoir des « raisons occultes » derrière l’évènement.

L’exploitant rejetait l’accusation en soulignant que le retrait fut lié à un total de 25 « incidents significatifs », dans 16 salles, lors de la première le week-end dernier. « Malheureusement, les actions de quelques-uns ont ruiné l’opportunité pour d’autres, mais nous maintenons notre décision de retirer le film indéfiniment. »

De même, lors d’une autre projection de Blue Story, dans l’Odéon de Huddersfield, à l’ouest de l’Angleterre, plus de 200 jeunes ont réagi par des cris et des insultes, lorsque le service de sécurité privée aurait interdit l’entrée dans la salle aux moins de 15 ans, âge autorisé du public selon la classification du film. La nuit précédente, un homme avait été poignardé aux portes de ce cinéma.

Encore, plusieurs salles indépendantes se son ouvertement déclarées en défense du film et condamnèrent le positionnement de Vue.

 

Un récit de quartier

« Blue Story » raconte l’histoire de deux amis qui fréquentent la même école à Peckham et sont rapidement pris dans une guerre de gangs entre quartiers rivaux de Londres. C’est le récit d’une spirale de violence qui s’est malheureusement répétée dans ce plan du réel avec une assiduité effroyable.

Cependant, c’est aussi une réalité sociale que son scénariste connait bien. Le réalisateur, un artiste pluridisciplinaire aussi connu sous le nom de « Rapman », vécut une enfance marquée par la violence entre groupes rivaux à Deptford, quartier portuaire au sud de Londres. Sur un post en Instagram il craignait que ce retrait des cinémas puisse condamner le film aux stéréotypes de violence liés aux quartiers noirs.

« C’est vraiment dommage qu’un petit groupe de personnes arrive à tout gâcher pour tout le monde. Blue Story est un film qui parle d’amour, pas de violence(…). Je prie pour que nous puissions tous (…) nous traiter les uns les autres avec tolérance et respect », ajoutait-il.

 

Le succès inattendu et son retour 

Le long-métrage, produit par BBC Films et distribué par Paramount Pictures, a été néanmoins bien reçu par la critique et est parvenu à bien se placer aux rangs du box-office. Avec plus de 1,3 millions de livres sterling gagnées lors du premier week-end de projections, un chiffre qui n’est dépassé que par deux autres nouveautés du cinéma, c’est un des films indépendents les plus importants de la saison.

C’est peut-être pour cela que Vue finalement décidait de prendre un pas en arrière. Jeudi soir, son chef exécutif, Tim Richards, annonçait la reprogrammation de Blue Story dans les salles du groupe, toutefois accompagnée d’une « sécurité renforcée » qui serait déployée pour éviter des confrontations ultérieures.