Cannes et l’industrie du film sous le Covid-19

Désormais, la crise touchera aussi un des célébrations du cinéma les plus importantes au monde : le festival de Cannes 2020.

Dans un premier moment ce fut les rassemblements de plus de 5 000 personnes, y compris les concerts massifs attendus en sol français. Puis ce fut le tour des salles de cinéma et avec, les cérémonies de récompenses des arts. Petit à petit, les grands évènements de la vie culturelle en Europe sont obligés à modifier ses programmations face à l’avance du nouveau coronavirus qui, depuis janvier, sème des dégâts partout au globe.

Désormais, la crise touchera aussi un des célébrations du cinéma les plus importantes au monde : le festival de Cannes 2020. Aucune vedette se rendra sur la Croisette en mai comme c’était prévu depuis novembre 2019, lorsque les dates du Festival ont été résolues. L’annonce de la suspension fut décrite ainsi dans le communiqué officiel, daté du Jeudi 19 mars :

« Aujourd’hui, nous avons pris la décision suivante : le Festival de Cannes ne pourra se tenir aux dates prévues, du 12 au 23 mai prochains. Plusieurs hypothèses sont à l’étude afin d’en préserver le déroulement, dont la principale serait un simple report, à Cannes, fin juin – début juillet 2020. »

Bien que les organisateurs proposent une nouvelle date pour été 2020, le salon du cinéma pourrait être reporté à une période ultérieure, qui sera annoncée « dès que l’évolution de la situation sanitaire française et internationale nous permettra d’en évaluer la possibilité réelle ».

La fête du cinéma allait présenter plusieurs films fortement attendus par les critiques et cinéphiles mondiaux dans sa Sélection officielle, puisqu’en règle générale, la plupart des cinéastes cherchent faire leur première à Cannes. Les prochains titres de François Ozon (« Été 84 »), Apichatpong Weerasethakul (« Memoria »), Wes Anderson (« The French Dispatch »), Christopher Nolan (« Tenet ») et même le début de la jeune réalisatrice française Luàna Bajrami (« La Colline où rugissent les lionnes ») allaient tous avoir son gala de lancement lors du Festival. Le metteur-en-scène Spike Lee est toujours attaché au poste de président du jury.

Un tel rassemblement de personnalités ressortissantes des quatre coins du monde est sans doute un des pires scénarios de contamination dans le contexte de l’épidémie. Les assistants étrangers doivent forcement s’exposer aux risques d’infection au transit (aéroports, vols et autres transports) et au cours du festival, où les films sont généralement présentés dans des salles au plein.

À Cannes, plusieurs autres salons avaient déjà été ajournés en raison de l’épidémie, dont le Marché international des professionnels de l’immobilier (MIPIM) et le festival de séries de TV Cannaseries, pendant que le MipTV a été annulé. C’est aussi l’un des ultimes évènements du cinéma à avoir été suspendu lors de l’arrivée de l’épidémie.

Désormais, la liste des cérémonies affectées par la crise s’étend aux prix Tony, Webby, BAFTA, Sundance (Hong Kong et Londres), GLAAD et le festival Tribeca. Aux États-Unis, pour la première fois en 34 ans d’existence, le festival SSWX sera un des salons à être annulés après l’annonce début mars des autorités de Austin, au Texas. Le salon à dès lors publié sa liste de gagnants, en dépit de l’annulation.

Ce sera la première fois que le Festival de Cannes sera reporté, mais pas pour cela annulé ou interrompu. Tout juste après la veille d’ouverture de sa première édition en 1939, l’Allemagne envahissait la Pologne, initiant un conflit mondial qui durerait jusqu’à 1945 éviterait le salon de se dérouler pendant ce temps-là. Une fois rétabli, le festival connut des crises budgétaires qui en 1948 et 1950 ont forcé les organisateurs à annuler ces éditions. Finalement, en 1968, les cinéastes engagés ont arrêté le déroulement du festival en appui des étudiants et syndicats en lutte.

LE BILAN ÉCONOMIQUE

La décision des directifs du Festival a été généralement bien reçue par l’industrie française du film, qui semble conforme avec l’ajournement comme option.

Dans un entretien avec Cineuropa, Nicolas Brigaud-Robert chef du groupe Playtime, remerciait aux organisateurs et à Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière, pour les mesures prises. De même, il assura que « l’idée de reporter le festival à la fin juin-début juillet […] ne perturberait pas notre travail en tant qu’agents commerciaux ».

À son tour, Yohann Comte de la maison de production Charades, déclarait que « toute nouvelle qui n’implique pas d’annulation est une bonne nouvelle ». Il assura que l’industrie allait annoncer un « nouveau programme, quoi qu’il arrive ». « Cannes est le plus grand marché de l’année. » continua-t-il.

Financé en grande partie le gouvernement français, Cannes est non seulement un des plus grands festivals de cinéma au monde mais aussi un très important marché de coproduction où les cinéastes sont à la recherche de financement pour leurs projets à venir. Crée en 1959, le Marché du film se déroule parallèlement au Festival de Cannes, et rassemble les distributeurs, agents, programmateurs, producteurs et cinéastes d’une industrie mondiale qui débite presque 52 milliards de dollars par an.

¿ LES FESTIVALS EN NUMÉRIQUE ?

Le bilan économique pour les participants à Cannes semble beaucoup moins sombre que celui des maisons de production indépendantes qui s’attendaient à présenter ses œuvres à SXSW. Ces derniers rapportaient à Variety les grandes difficultés que l’annulation du festival américain allait représenter : des milliers de dollars perdus en réservations, des opportunités de distribution et financement perdues, etc…

C’est pour cela que la semaine dernière, 32 festivals régionaux aux États-Unis se sont organisés pour réduire l’impact de l’épidémie pour les maisons de production plus affectées. Le Film Festival Survival Pledge demande que les films qui étaient censés se lancer dans ses salles puissent se présenter en ligne en échange d’une somme représentative d’un billet de cinéma, qui serait directement versé aux équipes de production.

D’après les déclarations de Mr. Brigaud-Robert, une démarche pareille pour le Festival de Cannes « est inutile de penser tant qu’il y a encore une grande incertitude ». Ce serait une véritable surprise que le même salon qui a laissé en dehors de compétition un film produit par la plateforme Netflix (« Roma ») soit forcé a passer sa programmation en ligne.

UNE ALTERNATIVE TOUJOURS IMPOSSIBLE EN FRANCE

Comme presque partout au monde, en France les salles de cinéma sont fermées dû aux mesures pour combattre la propagation du virus. D’après les données du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), dans la République il existe presque 6 000 salles de projection qui, en 2018, ont reçu plus de 200 millions d’entrées comptant pour environ 1,4 milliards d’euros en recettes. L’impact lié au manque de ces revenus pendant la durée de la crise sanitaire s’avère grave pour le financement du CNC et de l’industrie du film français.

De plus les restrictions de transmission actuelles ne permettent pas la distribution immédiate d’un film en VOD qui ait été financé par des compagnies françaises. Face à la crise, l’appel à des alternatives de diffusion paraît plus nécessaire que jamais.