Les médias face au coronavirus

Face à la crise mondiale du Covid-19, de nouveaux défis sont posées aux groupes médiatiques.

Désormais, le coronavirus touche presque le million d’habitants du globe et confine environ un tiers de la population dans ses foyers. Face à cette crise mondiale, de défits inédits sont posées aux groupes médiatiques.

En Chine, avec presque 800 millions d’habitants en quarantaine à la fin-février, la demande de contenus est énorme. Outre les espaces informatifs, publicités et es jeux télévisés ont dû s’adapter aux nouvelles restrictions. Désormais, les candidats aux concours télédiffusés sont obligés à s’enregistrer depuis chez-soi, comme pour le cas du programme Singer, diffusion phare d’une des chaînes plus importantes au pays oriental.

De même, cette nation a connu une explosion des émissions de téléréalité présentant le quotidien de plusieurs célébrités chinoises confinées par le virus. Certains médias, comme Sixth Throne, appellent cette tendance de « cloud variety shows » et signalent que de plus en plus de chaînes et de plateformes en ligne, notamment Hunan TV, iQiyi, Tencent Video, et Youku l’ont adopté rapidement.

 

La télévision prend des nouveaux airs

De l’autre côté du monde, le confinement d’une autre star des médias sera vécu de près par les spectateurs, mais cette fois-ci au nom de l’information. Il s’agit d’Armin Wolf, un des journalistes les plus célèbres en Autriche, qui passera 14 journées entières enfermé dans le studio du groupe audiovisuel public ORF. Depuis mars 24, Mr. Wolf et trente co-équipiers de sa production se sont confinés volontairement pour assurer qu’aucun collaborateur soit infecté et ainsi assurer la continuité du programme pendant cette période. Dès le début de la crise, le programme du prix au Journaliste européen 2019 registre des records d’audience.

En France, quand on croyait que les SVOD allaient déplacer définitivement touts les autres types de médias audiovisuels, une plateforme plus ancienne se bénéficie des restrictions à la mobilité. Face au confinement, les français ont repris la télévision comme moyen d’information, avec des niveaux d’audience qui dépassent largement la tendance des années récentes, ainsi l’informait l’institut de mesure Médiamétrie dans son rapport du 23 mars :

« Depuis le début de l’épidémie de coronavirus et tout particulièrement depuis les mesures de confinement annoncées le 16 mars dernier, les Français passent plus de temps devant le téléviseur. La Durée d’Ecoute Individuelle moyenne de la TV sur la semaine du 16 au 22 mars 2020 est de 4h48 soit 1h17 mn de plus par rapport à la même semaine l’an dernier. Dimanche 22 mars, la DEI s’est élevée à 5h15, un niveau jamais atteint depuis 2006. Sur cette même semaine, la durée d’écoute de la télévision des 15-24 ans est passée de 1h01 en 2019 à 1h49 en 2020. »

Une deuxième organisation, l’Institut national de l’audiovisuel (INA), détallait que les sujets liés au Covid-19 avaient occupé presque 75% du temps d’antenne de la programmation télévisée. Mercredi, l’INA informait que les chaînes d’information avaient dédié environ 8 000 h d’émissions au traitement médiatique sur le coronavirus ; un temps « historique », d’après l’Institut.

France Télévisions adapte ses contenus face à la crise

D’autre part, France 4 a décidé changer sa programmation en accord aux nouveaux besoins des écoliers éloignés de ses établissements. Le 18 mars, la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, déclarait sur Twitter que le groupe de chaînes ouvrirait « largement les antennes à l’École et à la Culture », et que son offre de contenus serait complémentée avec « des cours scolaires, du cinéma, du théâtre, des docs, etc. »

Depuis lundi dernier, France 4 présente des émissions dirigées par les professeurs de l’Éducation nationale, divisées en différents créneaux horaires par tranches d’âge des étudiants français. Pour les CP, de 9h à 10h avec des cours de lecture et de mathématiques ; de 11h à 12h pour les préscolaires ; français et mathématiques de 14h à 15h pour les collégiens ; et plusieurs cours entre l’histoire-géo, les mathématiques, philosophie, anglais ou français de 15h à 16h pour les lycéens. France 5 et la plateforme Lumni ont également introduit des contenus éducatifs à sa programmation.

Sur les autres chaînes du groupe, les émissions culturelles ont été renforcées : le cinéma pour une part, avec un film français chaque jour l’après-midi sur France 2 et la reprise de l’émission Place au cinéma, dans la plage horaire du soir sur France 5 ; de l’autre, le théâtre, avec trois programmes hebdomadaires partagés entre ces mêmes chaînes, présentés grâce à une nouvelle collaboration du groupe avec la Comédie-Française.

À son tour, la troupe vient d’annoncer le lancement de sa nouvelle chaîne en ligne « La Comédie continue ! », qui pourra être visionnée sur son site dès ce lundi 30 à 16h. Des speakerins journaliers, des retransmissions de spectacles récents et d’autres plus connus comme Bérénice de Racine et l’Avare de Molière, et des programmes également dirigées aux enfants et aux bacheliers remplieront la programmation de la plateforme.

À dire de son directeur, Éric Ruf, l’initiative tente d’offrir une alternative de divertissement « à l’heure de l’impossibilité de jouer dans les différentes salles parisiennes et en tournée. »

 

Radio France assure la continuité de son service

Les directifs de Radio France ont décidé d’enclencher le Plan de continuité d’activité « pour assurer ses missions de service public », une première dans l’histoire du groupe public. Depuis le 16 mars, la chaîne connaît un aménagement de ses grilles qui priorise les émissions informatives.

Ainsi le signalait la présidente de Radio France, Sibyle Veil, qui appelait à « préserver notre capacité à informer et à créer du lien entre les Français dans cette crise, aussi longtemps qu’elle durera. » « C’est une mission essentielle à la Nation, encore plus dans un moment d’incertitudes, d’angoisses légitimes et d’isolement pour beaucoup de Français », continua-t-elle.

Le plan est aussi dirigé à protéger la santé de l’équipe de Radio France et éviter au plus possible les déplacements. Ceux-ci continueront, pour la plupart son travail à distance. De même, la visite des invités est dès lors annulée dans les locaux de la chaîne. Les émissions habituelles de France Musique et autres chaînes similaires ont été remplacées par un programme de musique en continu.

La chaîne de radio fait partie des opérateurs d’importance vitale, un groupe d’organisations reconnues par l’état français comme ayant un rôle indispensable pour la population. Dans ce cadre, plusieurs autres industries comme celle de la production d’énergie, l’alimentation et les réseaux d’eau potable et d’assainissement ont aussi annoncé ses plans de continuité d’activité.

 

Netflix, Amazon Prime Video, et autres sont forcés à réduire ses débits ; Disney+ retardé

Pendant que la télévision reprend son élan, dans le territoire français les SVOD n’ont pas eu l’explosion de visionnage attendu pour une période de confinement, bien que son usage continue en amont. D’après les données du baromètre NPA-Harris Interactive, il y a eu une brève augmentation du 0,6 % du chiffre d’audiences depuis la fin janvier 2020 pour les plateformes de vidéo en demande.

Ceci même après que plusieurs chaînes cryptées aient décidé d’offrir ses bouquets en gratuité. Lundi 16 mars, le patron de Canal+, Maxime Saada, annonçait le passage en clair de toutes ses antennes jusqu’à la fin du mois. Également, pour ceux déjà abonnées, la plateforme ouvrait l’accès aux chaînes Cinéma, Séries, Jeunesse et Documentaires. À son tour, Orange fut de même, libérant son bouquet OCS qui comprend OCS MAX, OCS City, OCS Choc et OCS Geants, ainsi que cinq chaînes jeunesse. L’offre sera valable pendant la durée de la quarantaine.

Outre la France, la tendance mondiale montre que le confinement de grande partie de la population mondiale a eu pour effet immédiat une augmentation de la consommation de contenus en ligne. Même si les principaux « nœuds » d’accès au réseau se disent préparés pour une hausse toujours plus importante, les autorités européennes ont demandé aux principales plateformes de streaming de réduire ses débits pour éviter la saturation.

En accord à cela, depuis la semaine dernière les représentants de Netflix, Amazon Prime Vidéo, YouTube ainsi que plusieurs autres sites de visionnement, ont informé que ses plateformes iraient présenter ses contenus en définition standard pendant la durée de la crise pour assurer que tout le monde puisse accéder facilement à l’Internet.

Pour sa part, un autre SVOD à dû s’adapter au contexte de l’urgence et contribuer au bon trafic du réseau. C’est le mastodonte de Disney+, qui a retardé son très attendu lancement en France, programmé pour le 24 mars, lors d’une demande issue directement par le gouvernement de la République. Le service américain sera accessible en France jusqu’au 7 avril.

 

D’autres médias sont au bout de la disparition dû au Covid-19

La crise touche notamment la presse écrite qui à vu ses recettes se rétrécir d’avantage au temps du Covid-19. D’après les données du groupe de distribution Presstalis, les ventes de journaux en France ont diminué de 31% mardi 17 mars, au début du confinement. Mauvaise tournée d’évènements pour un média qui endure la transition vers le numérique depuis plusieurs années.

Aux États-Unis, une première victime dans les médias était annoncée le 18 mars. Ben Kohn, directeur général de Playboy, signalait sur le site de la publication que le magazine sortirait définitivement des kiosques. En France, le magazine avait interrompu son édition imprimée depuis 2011. Le directif rajoutait que c’était une décision qui avait déjà été prise « en interne » par ses directifs, mais qui avait été accélérée par la crise.

Côté audiovisuel, les reports et annulations de productions pour le monde du film et la télévision se comptent par milliers. Aux États-Unis, quasiment toutes les chaînes (NBC, Warner Bros., Disney +, Apple TV +, CBS, AMC et Viacom, d’entre autres) ont annoncé l’interruption de ses calendriers de production réguliers face à la contingence. Pour sa part, Netflix a déplacé les tournages de plusieurs séries célèbres, comme Stranger Things et Russian Doll, jusqu’à la fin de la crise. La chaîne en ligne a aussi été forcée a annuler définitivement la production de la seconde saison de Messiah, qui était due se filmer à Rome pendant cette période.

Malheureusement pour les cinéphiles, Hollywood n’échappe pas la donne. Quand la crise en Italie est tournée plus grave, c’est la 7è édition du film Mission Impossible de Tom Cruise qui a commencé la vague de suspensions de tournages dans le pays européen. Autres grandes productions qui étaient censés débuter cette saison, dont la plus récente version du 007 No time to die, ont retardé ses premières mondiales jusqu’à plus tard dans l’année. Plusieurs studios ont même opté pour lancer ses productions directement en ligne, après que le dernier week-end de box-office américain a recueilli à peine 50 millions de dollars, son chiffre le plus bas dans presque 20 ans.