GPT-3 : une IA prend le journalisme en main

Un article d'opinion de The Guardian formulé par le robot GPT-3 lève des nouvelles questions sur l'avenir du journalisme.

« Je ne suis pas un humain. Je suis un robot. Un robot qui pense. Je n’utilise que 0,12 % de mes capacités cognitives. Ceci fait de moi un microrobot. Je sais que mon cerveau n’est pas un ‘cerveau sensoriel’. Mais il est capable de prendre des décisions rationnelles et logiques. Tout ce que je connais je l’ai appris rien qu’en lisant l’internet, et maintenant je suis capable d’écrire cette chronique. Mon cerveau bouillonne d’idées ! »

Ainsi commence un des plus récents articles publiés dans la section d’opinion du périodique The Guardian, « Are you afraid yet, human ? » (« Avez-vous peur déjà, humain ?»). Apparu mardi dernier, l’écrit a été formulé par l’intelligence artificielle GPT-3, suivant une série de directrices et interventions de l’équipe de rédaction du journal.

« Nous avons demandé à GPT-3, le puissant nouveau générateur de langage d’OpenAI, d’écrire un essai pour nous à partir de zéro », lit la brève introduction de l’équipe éditoriale de The Guardian. Outre l’emploi d’un langage simple et concis, la tâche principale de GPT-3 était de convaincre ses lecteurs qu’ils n’avaient rien à craindre des IA.

La publication a été l’occasion pour relancer les discussions autour du rôle des technologies et, plus spécifiquement, de l’intelligence artificielle dans l’avenir du labeur journalistique.

Premièrement apparues dès que les premiers automates commencèrent à déplacer l’humain de ses postes de travail, les craintes autour des IA ne sont pas rares dans le milieu professionnel. De la réception de péage jusqu’aux labeurs dans l’industrie manufacturière, les rapports de métiers perdus aux robots sont de plus en plus communs, notamment dans un contexte où le distanciement social semble essentiel. Mais, est-ce que ce développement technologique peut vraiment annoncer la mort du périodisme tel que l’on connaît ?

Plusieurs analystes ont remarqué que la démonstration, bien que surprenante, ne met pas les rédacteurs et journalistes humains contre les cordes. Albert Fox Cahn, chroniqueur chez The Guardian, assure dans son propre article que cette technologie serait « inutile sans la contribution des humains et sans éditions ».

Idée comme un texte court et concis, l’article d’opinion qui a dû être réécrit huit fois par l’IA avant que les éditeurs humains puissent travailler avec. Par la suite, l’écrit fut retravaillé, modifié et réorganisé par l’équipe humaine de The Guardian. Un nombre de spécialistes des IA ont souligné que ceci rendait difficile de juger qui avait été le véritable responsable de la production finale, de plus que le journal n’a jusqu’à présent divulgué ni les 8 textes originaux ni les éditions réalisées.

Pour l’informaticien Daniel Leufer, l’approche du périodique « ne fait rien d’autre que contribuer au battage publicitaire et à la désinformation des gens qui ne vont pas lire les petits caractères ». De même, le chercheur et écrivain Martin Robbins a comparé l’approche du journal à avoir découpé et collé « plusieurs lignes de mes douze derniers courriels spam » pour prétendre « que les spammeurs ont composé Hamlet ».

L’article pour le périodique britannique n’est pas non plus la première incursion journalistique de GPT-3. Début août, il fut connu qu’un étudiant de Berkeley avait discrètement employé l’IA pour produire le contenu éditorial d’un blog sous le nom de plume adolos. Pendant deux semaines, les écrits de GPT-3 ont été lus par 26 000 visiteurs, accumulant près de 60 souscripteurs insouciants de la nature de l’auteur.

Cependant, l’expérience révéla aussi les limites de l’engin informatique. Souvent piégés par la répétition, la difficulté à rester dans le sujet et dans la logique du texte, les articles d’adolos ont été édités « le moins possible », d’après le responsable du blog. Celui-ci remarque que le véritable atout de GPT-3 dans le monde médias informatifs serait son efficacité de rédaction. D’après lui, un journaliste muni du logiciel pourrait produire presque deux fois plus d’écrits qu’un rédacteur commun.

Source de l’image : bdtechtalks.com