L’Australie vs Facebook : la fin de l’épreuve de force ?

L'entreprise américaine a scellé des accords avec les médias australiens après avoir bloqué ses contenus sur la plateforme.

Le bras de fer entre le gouvernement australien et le géant des réseaux sociaux semble avoir arrivé à terme pour le moment.

Suite à des négociations entre les deux parties, Facebook a finalement accédé à lever le blocage qu’il maintenait sur les pages et publications d’information en Australie. D’après William Easton, directeur général de Facebook en Australie et Nouvelle-Zélande, les amendes à la loi passée jeudi dernier permettrait à la plateforme de « rétablir dans les jours à venir pour les Australiens les informations sur Facebook ».

Le réseau social s’est également engagé à verser 1 milliard de dollars dans plusieurs entreprises de presse pendant 3 années.

Juin dernier, l’administration de Scott Morrison a proposé une nouvelle législation qui veut que Facebook et Google rémunèrent les agences de presse de ce pays pour la distribution de ses articles. La loi est désormais devenue une réalité, quoique qu’avec des modifications qui ont convaincu Facebook.

Cette marche arrière met fin à un chapitre compliqué dans les relations entre l’entreprise américaine et le gouvernement australien. Cependant, l’épreuve de force s’avère être une des premières batailles que Facebook devra livrer contre les entreprises d’information et les administrations de plusieurs États.

Une décision inédite

Jeudi 18 février, les Australiens se sont retrouvés sans aucun moyen de lire ou partager des articles d’actualité sur ses feed ou de consulter les profils Facebook de n’importe quel média local et international. La veille, le réseau social justifiait que la mesure avait été prise en réponse à une loi qui oblige au réseau social de payer les agences média pour ses contenus.

Cette décision, la mesure la plus restrictive que Facebook ait jamais prise à l’encontre des éditeurs de contenu, fut annoncée par la responsable des partenariats d’information du réseau social, Campbell Brown. Par moyen d’une lettre dans le blog de l’entreprise, Mme Brown reprocha que la loi ne reconnaissait pas la « nature fondamentale de la relation entre notre plateforme et les éditeurs ».

En l’espace de quelques heures, les liens de tous les articles produits dans la région ont été inaccessibles sur Facebook. Plusieurs autres pages sans aucun rapport au journalisme ont également été affectées. Parmi eux, les sites officiels des ministères australiens qui ont eu du mal à distribuer ses communiqués (dont ceux liés à la santé et la pandémie) sur le réseau social.

La porte d’entrée aux fake news

Plusieurs experts ont rappelé que ce type de mesures pourraient éroder davantage la confiance du grand public dans les médias, de même que l’effacement des sources d’information fiables ne faisait que favoriser la dispersion des fausses informations.

Même si elle n’est pas une agence de presse, la plateforme est une source d’information utilisée quotidiennement par des centaines de millions de personnes partout au monde.

Les réseaux sociaux sont également devenus la plateforme idéale de distribution de fake news depuis quelques années, dont ceux des théories conspiratoires qui ont raffermi les groupes des « terraplatistes », des antivaccins et QAnon, d’entre autres. Facebook, Twitter et Google, d’entre autres, luttent en permanence contre ces publications malveillantes et se servant des agences de presse pour vérifier et contrebalancer les informations de ce genre de posts.

Une question de mauvaise distribution ?

Le blocage de Facebook face à la nouvelle loi a aussitôt déclenché le débat à propos de la distribution des profits générés par les contenus d’information sur les réseaux sociales.

D’après M Easton, les entreprises de presse bénéficient de la distribution sur sa plateforme. « Facebook ne vole pas le contenu des actualités. Les éditeurs choisissent de partager leurs histoires sur Facebook », justifia-t-il. « De la recherche de nouveaux lecteurs à la génération de revenus, en passant par l’acquisition de nouveaux abonnés, les groupes de presse n’utiliseraient pas Facebook si cela ne participait pas à leurs résultats », il ajouta.

De son côté, les groupes média assurent être en difficulté financière et dénoncent une distribution inégale des rétributions générées. En Australie, plusieurs entreprises d’information ont dû mettre la clé à la porte faute à les effets de la pandémie.

Une enquête récente de la Commission australienne de la concurrence et de la consommation (ACCC) a révélé que dans ce pays les géants de la technologie se taillent la part du lion des revenus issus de la publicité dans les médias. Près du 81% de ces recettes iraient aux poches de Facebook et Google.

Toutefois qu’il évite de passer par un système de rémunérations automatiques, Facebook investit depuis quelque temps dans le Journalism Project, programme de soutien aux agences média partout au monde.

De sa part, Google a promis de verser « plusieurs dizaines de milliards de dollars pour » dans les créateurs d’articles pour la reprise de leurs contenus

GAFA contre les gouvernements mondiaux ?

Cette bataille légale et politique peut trouver des exemples similaires en France, où la signature des Droits voisins a déclenché une longue série de débats. Il y a quelques jours, L’Autorité française de la concurrence a recommandé imposer une forte amende de 16 milliards d’euros maximum à Google pour avoir manqué à ses négociations avec la presse.

Il paraît fort probable que des nouvelles épreuves force entre les GAFA et les gouvernements des pays se provoquent dans les mois à venir. À la Nouvelle-Zélande, au Canada et au Royaume-Uni des projets de loi similaires à celle passée en Australie se discutent déjà.

Source de l’image : vox.com