Parallèle entre Amazon et les hypermarchés, 50 ans plus tard

Un mouvement anti-Amazon accompagne une grogne anti-Macron à l'approche des élections, une stratégie vaine mais délicieusement française.

Le géant du ecommerce Amazon est devenu en France un symbole du capitalisme global galopant qui mène à la fermeture des petits commerces au profit des achats en ligne. Ce discours vous rappelle quelque chose ? Peut-être pas, car il faut revenir 50 ans en arrière pour retrouver les mêmes discours qui étaient orientés contre la nouvelle grande distribution libre-service qui commençait à pulluler en périphérie des grandes villes, nommément Carrefour, Auchan et E. Leclerc, pour n’en citer que quelques-uns.

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À l’époque, les nouvelles grandes surfaces, sur le modèle américain des Walmart et Cie, font leur apparition éclair en France, sous le nom d’hypermarchés. Ces hypermarchés, inspirés par le libre-service lancé par Félix Potin, proposent alors deux concepts qui révolutionnent la consommation chez les Français : 1. On trouve de tous dans ces grands magasins, du vestimentaire à l’alimentation , et 2. Les prix sont cassés, fruit des centrales d’achat des hypermarchés qui opèrent une marge minime pour concurrencer les autres distributeurs.

L’hypermarché de la périphérie, rendu possible aussi grâce au développement du secteur automobile, rend obsolète les centre-villes marchands. De nombreux magasins, à travers la France, ne peuvent pas concurrencer contre ces nouveaux géants de la distritbution. La crise est mal-vécue et exploitée par les représentants politiques en quête de voix, mais la nouvelle économie des hypermarchés est plus puissante et s’impose dans le quotidien des Français. Aujourd’hui, même le plus prolétaire des Français ira faire ses courses à Leclerc ou Carrefour sans se soucier de l’impact de ces enseignes sur les petits commerces, aujourd hui disparus pour la plupart.

1972 : Aller au supermarché la nuit à Nancy | Archive INA

Fast foward dans les années 2010 où le ecommerce, et essentiellement Amazon, opère une nouvelle révolution de la distribution. Les anticapitalistes, qui utilisent tous internet d’une manière ou d’une autre, ne veulent pas voir pulluler les entrepôts Amazon dans toute la France, relais essentiels pour se faire livrer rapidement des produits commandés en ligne. Et on accuse alors Macron, un président comme un autre qui ne peut que s’incliner devant l’Histoire qui s’écrit avec ou sans lui, de favoriser l’implantation du géant américain dans toute la France, comme s’il était affilié au programme et touchait une prime sur chaque nouveau centre Amazon qui ouvrait.

De son côté, Amazon rappelle avoir investi 11 milliards d’euros en France ces 10 dernières années, menant à la création de 15,500 emplois stables.

Si l’on se projette dans 10 ou 20 ans dans l’avenir, la grande majorité des achats du quotidien seront effectués en ligne, et personne ne trouvera cela choquant. De la même manière que le web et les smartphones se sont imposés dans nos quotidiens et que personne, de droite comme de gauche, n’arrivent à vivre sans aujourd hui, le ecommerce se sera normalisé.

Ceci dit, les mouvements régionalistes et anticapitalistes contre Amazon – qui se manifestent surtout en France et pas vraiment dans les autres pays – sont savoureux et propres à une culture franchouillarde que nous épousons tous. Le Français grande gueule est un trait culturel qui nous est cher, et s’il paraît vain de s’attaquer aux moulins d’Amazon tant ceux-ci sont essentiels dans la marche vers le progrés, le feuilleton anti-Amazon restera un best-seller de notre époque, et un point de friction des mentalités qui font des Français d’excellents citoyens consciencieux du rôle joué par tout-un-chacun dans la politique de leur pays.