La musique a souvent été le premier vecteur de changement dans l’évolution des comportements de consommation en ligne: Napster a converti des millions de personnes au principe du téléchargement en ligne. Myspace a converti des dizaines de millions de personnes au principe du réseau social en ligne. Et Apple a converti des centaines de millions de personnes au principe de l’achat de musique en ligne. Le Web s’est construit en partie grâce à la musique car il est le méhttps://www.youtube.com/watch?v=YQVVji61KVMdia qui a su le mieux la véhiculer. L’explosion de la distribution musicale par le Web s’est aussi avérée salvatrice pour les créateurs de musique indépendants, le téléchargement ayant détruit les barrières entre le créateur de musique et son consommateur.
Aujourd’hui, si la plupart d’entre nous a plus de 5000 morceaux dans sa playlist et se dit que c’est bénéf parce que c’était gratos (malgré Hadopi), les choses sont moins roses du côté des musiciens indépendants, qui font maintenant face à un public trop habitué au tout gratuit: Comment générer un revenu sur un produit qui a toujours été gratuit sur le Web?
Parlons donc d’Airtist. Airtist existe déjà depuis plusieurs années et propose à ses utilisateurs de télécharger de la musique gratuitement, un processus par lequel un créateur de musique va quand même être rémunéré. Comment Airtist fonctionne-t-il?
Un modèle publicitaire
La force d’Airtist réside dans son modèle publicitaire qui sert très bien les intérêts économiques de tous les partis impliqués dans la transaction:
1. Le consommateur vient sur Airtist pour faire l’acquisition de musique sans vouloir ouvrir son portefeuille: Celui-ci n’a qu’à trouver un morceau, regarder une publicité plein écran, et télécharger son morceau gratuitement.
2. Le créateur de musique vient sur Airtist pour distribuer son morceau à un prix aligné sur celui du marché actuel (c’est-à-dire 0 euro), mais, très contradictoirement, il cherche aussi à générer un peu d’argent: C’est là où Airtist entre en jeu, en proposant de partager les revenus d’un modèle publicitaire simple et rémunérateur.
3. Le publicitaire va lui venir sur Airtist pour que sa publicité soit « regardée »: Airtist propose donc au publicitaire un ciblage précis des audiences engagées, la diffusion d’un spot plein écran de 20-30 secondes, ainsi que l’opinion du spectateur sur le spot visionné, une étape obligatoire pour lancer le téléchargement du morceau désiré.
Le consommateur de musique télécharge gratuitement, le créateur de musique est rémunéré, et le publicitaire diffuse et obtient des émotions vis-à-vis de la population ciblée. Economiquement parlant, on a un gagnant. Cependant, la dynamique de vente de musique en ligne ne se limite pas à un modèle publicitaire. Poursuivons.
Un besoin de viralité
Cédric Hamon est le directeur de CinqCinq Production, un label de musique indépendant basé à Toulouse. Je lui ai demandé quelles étaient ses attentes prioritaires vis-à-vis d’un service de distribution pour artistes indépendants:
« La difficulté majeure est la même en ligne qu’en magasin: la visibilité. Même si théoriquement il y a de la place pour tout le monde les plus visibles sont toujours ceux qui bénéficient des meilleurs plans promo donc souvent du plus de moyen. L’intervention de « l’avis du consomateur » change un peu la donne mais un peu seulement… »
En d’autres termes, le créateur de musique indépendant recherche avant tout des outils de viralité plus performants. La base de la viralité en ligne, c’est une communauté engagée et possédant les moyens de partager ce qu’elle ressent. A ce niveau-là, Airtist ne remplit pas toutes les conditions requises, ce qui fragilise la santé de son modèle économique:
Le site est un old-Myspace-like avec quelques outils de création de profil et de gestion de communauté. Le site n’offre aucune solution de viralité via Facebook, Myspace, pas d’application mobile et aucune intégration à d’autres plateformes spécialisées distribution musicale. Je n’ai pas trouvé de clips vidéo non plus. Il y a bien des widgets, oui, mais on ne peut pas dire que ce soit l’outil viral dernier cri. On aurait aussi pu imaginer un système d’affiliation pour booster les téléchargements, mais non. Pourtant, la concurrence est là.
En plus de ce petit manque d’innovation et de modernisme côté utilisateur, ce dernier se retrouve à devoir sauter dans des arceaux pour obtenir son morceau de musique, dont voici le processus de téléchargement gratuit détaillé ci-dessous:
1. Cliquer sur download;
2. Choisir son annonceur;
3. Regarder la pub de 20-30 secondes (avec la souris sur la page de la pub, sinon celle-ci ne tourne pas);
4. Dire si la pub nous a plu (à ce moment-là, la landing page de l’annonceur apparaît déjà à travers une iframe);
5. Que l’on aime ou pas, on est automatiquement redirigé sur la landing page de l’annonceur;
6. Finalement, la fenêtre de téléchargement du morceau gratuit apparaît.
Au final, le consommateur de musique va payer énormément de son temps, de son attention et de son humeur à venir compléter sa bibliothèque de sons chez Airtist.
Airtist possède donc un modèle publicitaire séduisant, mais trop peu d’arguments communautaires pour engager ses utilisateurs dans des relations à long-terme. Si la techno publicitaire d’Airtist pouvait s’intégrer facilement à d’autres sites de téléchargement de musique plus calé au niveau communautaire, alors la startup tiendrait le bon fil…