La gratuité a un coût
Une tendance est en train de transformer nos villes et la place que la communication extérieure y prend, c’est l’émergence d’un « monde de la gratuité ». Tout comme sur Internet, nous sommes progressivement en train de changer de modèle économique dans bien des domaines. De la même manière qu’il est possible de consommer gratuitement de la musique ou de l’information sur le Web, il ne serait pas absurde dans la ville du futur de voir apparaître de plus en plus de services gratuits, notamment de transports. Avec les progrès techniques, l’automatisation de nombreuses tâches et la réduction des prix de productions de nombreux services, pourquoi ne pas imaginer un jour des métros ou des vélos en libre accès, voire même des voitures autonomes entièrement gratuites ?
Mais bien évidemment, rien n’est jamais vraiment gratuit. De la même manière que l’on peut utiliser YouTube contre le visionnage d’une publicité ou faire une recherche Google en échange de quelques données personnelles, on pourrait imaginer à terme une utilisation gratuite de Google cars à la condition de faire escale à des points clés non loin de boutiques partenaires ou encore de se soumettre à une communication ciblée pendant tout le trajet.
Déjà, à Düsseldorf, une expérience a été menée dans les bus de la ville allemande. Il suffit à l’usager de consacrer quelques minutes de son attention à un annonceur pour bénéficier du transport gratuitement, cela grâce à l’application WelectGo qui transforme votre attention en billet de bus. Le procédé est simple : regarder quatre publicités vidéo d’une vingtaine de secondes et vous recevez un ticket de transport gratuitement sur son smartphone sous forme de QR Code. Et c’est un succès si bien que, quelques semaines après son lancement, ce ne sont pas moins de 20.000 habitants de la métropole de la Ruhr qui ont téléchargé l’application. Et cette dernière pourrait bientôt gagner d’autres villes d’Allemagne et des Pays-Bas.
Quels dangers pour nos villes ?
Voir les entreprises de communication se substituer aux autorités locales présentes bien des avantages, notamment un allègement des dépenses publiques. Mais cette pratique, si elle tendait à se généraliser, aurait aussi ses possibles dérives, ses dangers et ses lignes rouges à ne pas franchir.
Tout d’abord, à l’inverse des pouvoirs publics, une entreprise privée n’a pas le souci de l’intérêt commun, partagé, du plus grand nombre. Les marques n’investissent pas l’espace public par altruisme. Leur objectif n’est pas tant d’informer les citoyens ni de s’adapter à leurs besoins comme le feraient les autorités publiques, mais plutôt de les orienter et de façonner les villes selon les besoins d’une poignée d’entreprises.
Mais le vrai danger, en laissant les publicitaires façonner l’urbanisme de nos villes, c’est de creuser les inégalités entre des zones géographiques où il est rentable d’investir et d’autres à plus faible potentiel, notamment en milieu rural. Comme souvent, tout est donc question d’équilibre et de mesure.
Photos: bild.de et yelp.com