Annoncée comme l’une des élections les plus imprévisibles depuis des décennies, après six semaines de campagne acharnée et polarisante, marquée par deux leaders de parti impopulaires, l’élection législative du Royaume-Uni en 2019 a finalement abouti à un résultat concluant.
Ce fut la troisième élection du Royaume-Uni depuis le referendum de juin 2016, cette fois-ci convoquée en octobre 2019, par un Boris Johnson qui voulait mettre fin à des mois d’impasse concernant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Ce que la presse internationale nomme une écrasante victoire des conservateurs, est aussi un véritable effondrement du parti travailliste britannique
Alors que les prévisions pour les deux principaux partis indiquaient un rétrécissement de l’avance des tories sur les travaillistes, les sondages de sortie révélait un scénario très différent. Puis, à 7 heures du vendredi, la victoire du parti dirigé par Boris Johnson était une réalité. Avec un taux de participation de 67,3 % des 47 587 254 personnes inscrites sur les listes électorales, le parti conservateur remportait environ 45 % des voix, soit 365 sièges au Parlement, 39 de plus que ceux nécessaires pour la majorité absolue (326), 78 sièges de plus que son adversaire le plus prochain. La plus grande majorité des tories depuis 1987, aux temps de Margaret Thatcher, et le pire résultat pour les travaillistes de Corbyn depuis 1930, qui a perdu 59 sièges. Réussite magistrale pour le parti de Johnson, qui retournera au pouvoir les pleines libertés, notamment pour faire passer finalement son projet de Brexit avant février 2020.
Ce fut aussi une victoire territoriale. Le traditionnel « mur » travailliste aux Midlands et au Nord-Est s’est pratiquement effondré face à la puissance du discours conservateur. Des douzaines de conscriptions de mineurs, dont certaines qui n’avaient jamais été gouvernées par les tories, passèrent au côté droit ce jeudi. Un changement sismique des cartes politiques du Royaume-Uni que Johnson reconnaissait dans son premier discours après la victoire, marqué à nouveau par son slogan « Get Brexit done » (« Mettons en marche le Brexit ») et une narrative conciliatrice, en disant qu’il était « honoré » par les travaillistes qui lui avaient « prêté » son vote pour cette élection.
Le Premier ministre, qui a aussi remporté son siège de député dans la circonscription d’Uxbridge, a déjà déclaré que le Royaume-Uni quitterait complètement l’UE d’ici décembre 2020 et qu’un accord avec l’Europe entrerait en vigueur en 2021. Johnson s’est engagé à mettre fin à la liberté de circulation entre l’UE et le Royaume-Uni et à mettre en œuvre un nouveau système d’immigration par points. Son gouvernement négociera également des accords de libre-échange avec d’autres partenaires commerciaux, un fait qui est toujours controversé dans le monde des business européens.
De son côté, Jeremy Corbyn a déclaré que Brexit avait « polarisé et divisé le débat », détournant l’attention d’autres questions plus traditionnelles. Hélas, son projet politique défait, les analystes marquent le manque de popularité du travailliste comme un des facteurs décisifs dans la défaite du Labour party. Cela expliquerait, au moins en partie, la faible participation des travaillistes registrés au suffrage, qui ont été 8% de moins qu’aux élections précédentes.
Dans un entretien avec Sky News ce vendredi, Corbyn s’est déclaré « très triste » des résultats et qu’il avait « fait tout ce qu’il avait pu ». Le chef travailliste a depuis annoncé sa retraite au leadership du parti. Cependant, il pourrait retenir son poste jusqu’en avril, dû aux 12 semaines marquées par les statuts du parti afin d’élire un nouveau dirigeant.
Grande débâcle aussi pour le parti des démocrates libéraux et pour sa cheffe, Jo Swinton, qui a été vainque à sa propre circonscription pour 149 voix au profit du SNP. Avec un siège de moins, le parti britannique le plus europhile, qui assurait pouvoir arrêter le Brexit, a été écrasé par les indépendantistes écossais, laissant le champ libre pour les « leavers » et tuant la possibilité d’un second suffrage populaire qui puisse faire rester le Royaume-Uni en Europe.
Pour ce qui est l’Irlande, le Parti unioniste démocratique (DUP), qui avait soutenu les conservateurs de M. Johnson au parlement, a aussi subi d’importantes défaites. Pour la première fois depuis les élections de Westminster, les députés nationalistes sont plus nombreux que les syndicalistes en Irlande du Nord.
Pour sa part, le Brexit Party, qui avait fait campagne en promettant un Brexit sans accord de divorce, n’a remporté aucun siège dans cette élection. Néanmoins, son chef et principal promoteur du Brexit dès son tout début, Nigel Farage, déclarait à la BBC que son parti avait « tué les libéraux démocrates et blessé le parti travailliste ».
Finalement, des grands mouvements ont été aussi vécus en Écosse, où le parti national (SNP) a gagné 48 sièges, soit la quasi-totalité des 59 places pour les écossais à Westminster et 13 de plus qu’à l’élection précédente, dont un grand nombre pris aux conservateurs. Le SNP est maintenant le troisième parti le plus important au Parlement. Son leader, Nicola Sturgeon, a déclaré qu’il y avait dès lors un » mandat renouvelé, rafraîchi et renforcé » pour un deuxième référendum sur l’indépendance de l’Ecosse. Le prochain grand défi pour « BoJo » ?