En octobre 2017, la black blogsophère chantait le lancement de Blitter, un réseau social sur mobile conçu pour les Afro-Américains. Blitter, une contraction de Black Twitter, a d’abord été lancé sur iTunes, et se vantait de « condamner le racisme, le sexisme, le harcèlement, les bots, et les discours haineux. »
Côté fonctionnalité, l’application Blitter n’était rien d’autre qu’un copycat de Twitter mais en moins robuste. Son développeur, Patrick Francis, était un inconnu avant de lancer Blitter. Des bugs polluaient l’expérience utilisateur, tel que le fait d’avoir à appuyer sur le bouton de l’appareil photo avant de pouvoir rédiger un message. L’application avait aussi son petit jargon, les tweets étant devenus des blits.
Blitter avait aussi son côté Tom de Myspace, car tous les nouveaux comptes suivaient automatiquement le compte officiel de Blitter dès leur création. Après quelques jours de lancement, l’application comptait déjà plus de 10.000 comptes créés.
La communauté black sur Twitter a montré beaucoup d’enthousiasme face au lancement de Blitter, même si certains utilisateurs, plus réalistes, ont exprimé leur sceptisme face à une application basique. Le temps a finalement donné raison à ces sceptiques, l’application Blitter ayant complètement disparu de la scène aujourd’hui. Pour comprendre pourquoi cette application a disparu, il faut comprendre ce qu’est le « Black Twitter », un phénomène bien plus large qu’une bête application sociale.
Depuis que Twitter est une application populaire (ce qui n’était pas forcément le cas à ses débuts), la communauté noire, très vocale, s’est développée en sous-couche du réseau social. Soudée, cette communauté est devenue une force de frappe médiatique face aux actualités à caractère raciale, telles que les affaires Zimmerman, Paula Deen, Darren Wilson, … L’exemple le plus historique est le hashtag #BlackLivesMatter qui continue, dix ans après son lancement, à interpeler l’humanité sur le traitement défavorable de certains envers les Noirs.
Black Twitter est donc un rouleau compresseur qui fait et défait les réputations, la version moderne et pacifique du Black Power. S’approprier cette ambition était donc une tâche difficle pour Blitter. Le fait d’avoir lancé une simple application mobile sans innovation technologique était le signe que le fondateur Patrick Francis cherchait essentiellement à décrocher son quart d’heure de gloire en surfant sur un phénomène de l’Histoire afro-américaine.
Quelques mois après son lancement, la dégringolade commença. En février 2018, des articles sortent dans la presse spécialisée, dénonçant les abus de drogue (cocaïne) du fondateur Patrick Francis et sa folie des grandeurs avec Blitter. Il aurait déclaré avoir été racheté par Facebook pour $1,4 milliard, avoir utilisé les Noirs pour s’enrichir, puis se serait comparé au dieu égyptien Ra. Un pétage de plomb qui signa la fin instantanée de Blitter après 5 mois d’existence.
À noter, ne pas confondre Blitter avec le site blacktwitter.com sorti en 2020.